Parmi les nombreuses lettres que Salah Abdeslam reçoit en prison, beaucoup émanent d’admiratrices. C’est un courrier plus surprenant encore que le terroriste présumé a reçu au début du mois d’octobre 2017 à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne).
LIRE AUSSI >Paranoïa, irritabilité : craintes sur la santé mentale de Salah Abdeslam
Selon nos informations, le dernier membre encore en vie du commando des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, a été destinataire d’une lettre envoyée par l’humoriste controversé Dieudonné. Dans ce document dactylographié d’une page, daté du 30 septembre, au ton courtois, le comique, plusieurs fois condamné pour des injures et provocations à la haine raciale, propose à Salah Abdeslam de le rencontrer. Pour expliquer sa démarche, Dieudonné confie au détenu qu’il travaille avec deux auteurs à l’écriture d’un livre intitulé : « Comment arrêter les attentats en France ? ».
L’humoriste dit vouloir « comprendre l’état d’esprit » d’Abdeslam
« Nous ne voulons pas parler des actes qui vous sont reprochés, écrit Dieudonné. Ce qui nous intéresse est de comprendre votre état d’esprit et les raisons qui vous ont poussé à agir. La violence est un mode d’expression qui surgit quand tous les autres ont échoué : l’attentat a pour but d’envoyer un message fort qu’on ne peut transmettre autrement. C’est en tout cas comme ça que nous le comprenons. En discutant avec vous, nous espérons mieux comprendre la profonde révolte qui vous habite et à laquelle la société reste sourde. »
Pour appuyer sa demande, Dieudonné rappelle à Salah Abdeslam : « J’ai moi-même été condamné pour apologie d’acte de terrorisme, au moment de ce qu’il est convenu d’appeler les attentats de Charlie Hebdo, pour ne pas m’être senti assez Charlie : on m’a reproché d’avoir écrit sur Internet : Ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly. » Pour ces faits, la cour d’appel de Paris lui a infligé, en juin 2016, une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 10 000 euros.
« L’humoriste présente le terroriste comme une victime de la société »
Ce courrier à Abdeslam a provoqué la stupeur des parties civiles. « Cette lettre nous pose un problème, reconnaît Me Gérard Chemla, avocat de plusieurs victimes. Il y a une inversion des valeurs. L’humoriste présente le terroriste comme une victime de la société en état de légitime défense. A partir de cette analyse, on peut tout légitimer. » Tout en informant ses clients de l’existence de cette lettre, l’avocat a écrit au juge d’instruction afin de connaître la suite qu’il souhaite donner à cette demande. Contacté, un des avocats du polémiste confirme l’existence de ce courrier. « Il ne s’agit pas du tout d’une provocation ni d’une quelconque sympathie pour le terrorisme, se défend Me Jacques Verdier. Il y a une volonté de comprendre le moteur qui a conduit à ces actes. C’est un travail de construction que M. Dieudonné effectue avec deux psychothérapeutes. »
Le juge a refusé la demande de la rencontre
En l’occurrence, Florian Dupont et Jean-Marc Nguyen Duc, deux écrivains coauteurs du livre « Dieudonné, médecin malgré lui », publié il y a quelques mois et qui faisait suite à l’interdiction du spectacle « le Mur » de l’humoriste en 2014 pour provocation à la haine et la discrimination raciale.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que Dieudonné entre en contact avec un détenu accusé de terrorisme. « C’est notamment le cas avec Carlos », indique Me Verdier, qui précise que la demande de rencontre avec Salah Abdeslam a été refusée par le juge d’instruction.
Aucun commentaire: